http://www.jcpa.org/brief/brief005-7.htmLa crise pétrolière mondiale : Implications pour la Sécurité mondiale et le Moyen-Orient16 October 2005 Dr. Gal Luft***
Adaptation française de Simon Pilczer, volontaire de l'IHC"L'environnement du marché pétrolier mondial avec une très forte demande et une très faible capacité de réserves offre une immense opportunité aux jihadistes radicaux. Les terroristes croient que la meilleure manière de frapper l'économie mondiale occidentale est de s'en prendre au pétrole.
"Depuis la fin des batailles majeures en Irak, il y a eu près de 300 attaques sur des pipelines, des raffineries, et d'autres installations, et il y a eu des attaques sur des installations pétrolières dans beaucoup d'autres parties du monde, dont la Tchétchénie, le Pakistan, l'Inde, la Russie, l'Azerbaïdjan et le Nigeria.
"L'impact cumulé de ces attaques se monte à environ 1 million de barils par jour qui ont été soustraits au marché comme conséquence du sabotage. Si ce million de barils par jour était parvenu sur le marché, les prix du pétrole auraient baissé d'au moins 20 $ le baril.
"Nous observons aujourd'hui surtout un transfert de richesse dans des proportions historiques depuis les économies des Etats-Unis, du Japon, de la Chine, et de l'Europe, vers les économies des pays producteurs de pétrole. Bien sûr, ce n'est pas une manière pour gagner la guerre contre le terrorisme islamique radical si le camp qui doit vaincre le terrorisme et l'Islam radical enrichit constamment l'ennemi.
"Nous observons le début d'une nouvelle ère au Moyen-Orient où d'autres intervenants, en particulier la Chine, vont entrer en scène et tenter de mettre fin à des accords ou des alliances. Les USA et l'Europe essaient de juguler le programme nucléaire iranien, de l'arrêter avant le développement de la bombe, mais les Chinois ont signé un accord énergétique portant sur 70 milliards $ avec l'Iran, et il sera très difficile de les avoir du côté occidental au Conseil de Sécurité de l'ONU.
"L'une des principales causes de friction entre la Chine et le Japon concerne l'accès au pétrole et aux réserves de gaz dans la partie orientale de la mer de Chine. Les Chinois prennent pied aussi fortement au Pakistan, où des milliers de travailleurs chinois construisent un nouveau port au Balouchistan à Gwadar, qui siège juste à l'entrée du Golfe persique. - - - - - - - - - -
La capacité de Production du Pétrole en réserve chute sévèrementAux Etats-Unis, les prix de l'essence ont atteint 3,30 $ le gallon [environ 4,5 l, ndt]. Dans un pays où on ne peut pas avoir un pain sans prendre la voiture et la conduire quelque part, c'est un problème majeur.
La crise pétrolière à laquelle nous sommes confrontés aujourd'hui n'est pas une crise de l'offre comme en 1973. C'est une crise de la demande, due dans une large mesure à une demande accrue de pétrole de la Chine et de l'Inde, dont les économies croissent par sauts et par bonds. Leurs besoins en énergie a provoqué une réaction en chaîne, puisqu'ils ont presque totalement éliminé la capacité de production du marché de réserve pétrolière d'environ cinq millions de barils par jour, que l'Arabie saoudite et d'autres pays pouvaient produire en périodes d'urgence pour stabiliser le marché.
Aujourd'hui, il y a une très fine couche d'isolation du marché pétrolier s'élevant à environ un million de barils par jour, ce qui veut dire que la moindre interruption, que ce soit l'ouragan dans le Golfe du Mexique ou des émeutes au Nigeria ou l'instabilité au Moyen-Orient, provoque immédiatement une augmentation des prix. Cette situation se maintiendra longtemps parce qu'il n'y a pas de nouvelle capacité de réserve. Construire une capacité de réserve requiert des milliards de dollars d'investissement pour créer une infrastructure qui puisse demeurer inutile la plus grande partie du temps. Personne ne veut investir dans ces conditions.
Les terroristes jihadistes ciblent la production pétrolièreCet environnement de très forte demande et de très faible capacité de réserve offre une immense opportunité aux jihadistes radicaux. Les terroristes croient que la meilleure manière de frapper l'économie mondiale occidentale est de s'en prendre au pétrole, de faire exploser les pipelines, les raffineries, les stations de pompage, les tankers, et de les écarter du marché. Ils constatent que quand ils font exploser un pipeline en Irak ou au Soudan ou partout dans le monde, cela se traduit immédiatement par une augmentation des prix sur tous les marchés. Il est bien plus facile pour des terroristes de faire exploser une installation pétrolière ou d'éliminer un tanker quelque part dans le monde que de s'infiltrer au Etats-Unis et de faire exploser le World Trade Center.
Oussama ben Laden et les jihadistes ont dit à de nombreuses reprises que leur guerre contre l'Occident n'est pas seulement religieuse ou politique mais aussi économique. C'est une guerre économique contre les infidèles semblable à la guerre qu'ils ont menée contre les Russes. " Nous les avons saignés jusqu'à la faillite. Alors si nous avons pu le faire aux Russes, nous pouvons maintenant le faire aux Américains, et la meilleure manière de la faire est de s'en prendre à leur talon d'Achille et de s'attaquer au pétrole ". C'est ce qu'ils ont fait d'abord en Irak. Depuis la fin des batailles majeures en Irak, il y a eu près de 300 attaques sur des pipelines, des raffineries, et d'autres installations, et il y a eu des attaques sur des installations pétrolières dans beaucoup d'autres parties du monde, dont la Tchétchénie, le Pakistan, l'Inde, la Russie, l'Azerbaïdjan et le Nigeria.
L'impact cumulé de ces attaques se monte à environ 1 million de barils par jour qui ont été soustraits au marché comme conséquence du sabotage. Si ce million de barils par jour était parvenu sur le marché, les prix du pétrole auraient baissé d'au moins 20 $ le baril. Cela démontre que les jihadistes, en utilisant des tactiques très simples, ont bien réussi à faire monter significativement les prix du pétrole, en prenant avantage d'un marché très étroit.
Transférer la richesse mondialeEn 2001, le pétrole se vendait 20 $ le baril, aujourd'hui il se vend plus du triple. Cela signifie que les Saoudiens, les Iraniens, et tous les autres producteurs font un gain supérieur de 40 $ par baril. Nous observons aujourd'hui surtout un transfert de richesse dans des proportions historiques depuis les économies des Etats-Unis, du Japon, de la Chine, et de l'Europe, vers les économies des pays producteurs de pétrole.
Bien sûr, ce n'est pas une manière pour gagner la guerre contre le terrorisme islamique radical si le camp qui doit vaincre le terrorisme et l'Islam radical enrichit constamment l'ennemi. Les contribuables américains envoient leurs dollars et leurs soldats à travers le monde pour combattre pour la liberté et la démocratie. Dans le même temps, chaque fois qu'ils vont à une station d'essence, ils financent l'ennemi extérieur qui veut nous tuer.
Quelques 77 % des réserves de pétrole dans le monde sont entre les mains de gouvernements. Ces gouvernements ont peu d'intérêt à faire baisser les prix du pétrole. Hélas, la plupart des pays producteurs de pétrole sont des dictatures corrompues.
Comment le pétrole structure la politique étrangèreQu'arrive-t-il quand les Etats-Unis, la Chine, l'Inde, l'Europe, et le Japon sont tous en concurrence pour le même pétrole ? Nous observons aujourd'hui le début d'une nouvelle ère dans laquelle le Moyen-Orient ne restera plus une arène unipolaire. Nous observons le début d'une nouvelle ère au Moyen-Orient où d'autres intervenants, en particulier la Chine, vont entrer en scène et tenter de mettre fin à des accords ou des alliances.
Les USA et l'Europe essaient de juguler le programme nucléaire iranien, de l'arrêter avant le développement de la bombe, mais les Chinois ont signé un accord énergétique portant sur 70 milliards $ avec l'Iran, et ont déclaré qu'ils mettront leur veto à toute tentative d'imposer des sanctions à l'Iran devant le conseil de Sécurité de l'ONU.
Quand le conseil de Sécurité a essayé d'imposer des sanctions au Soudan - l'un des principaux fournisseurs de pétrole de la Chine - sur la question du Darfour, les Chinois ont de nouveau dit non. Voilà deux cas dans lesquels l'intérêt énergétique de la Chine a surpassé leur intérêt à faire partie de la communauté internationale.
Un troisième incident est survenu cette année en Asie centrale, qui est un très important nouveau domaine de l'énergie. En mai, un massacre s'est produit en Ouzbékistan, avec des centaines de personnes tuées sur les ordres du président Islam Karimov. Les Etats Unis et l'Europe ont demandé une enquête internationale, mais le Chine, qui a signé un accord de 600 million $ pour le gaz avec l'Ouzbékistan a dit non. Quelques semaines plus tard, l'Ouzbékistan a demandé aux Etats-Unis d'évacuer dans les 180 jours la base aérienne qu'ils utilisaient pour survoler l'Afghanistan dans le contexte de la guerre au terrorisme. La Chine a été la force directrice pour obliger les Etats Unis à retirer toutes ses forces militaires d'Asie centrale, dont le Kurdistan. Ainsi nous voyons comment le pétrole structure la politique étrangère.
Nous observons une situation dans laquelle la politique de l'Amérique apportant la démocratie au Moyen-Orient est constamment compromise par le fait que les Etats-Unis et la Chine sont avant tout en concurrence pour les ressources énergétiques. Ce se produit tout autour du monde, pas seulement au Moyen-Orient et en Asie centrale. Cela se produit en Afrique et même dans l'hémisphère occidental, où la Chine se place au Venezuela et au Canada.
L'accès aux ressources énergétiques modèlera le monde dans les années à venir. Il dictera le comportement international des pays comme il joue un rôle croissant dans les relations entre les principales puissances. Nous verrons de nouvelles alliances se forger, comme entre la Chine et l'Arabie saoudite.
L'une des principales causes de friction entre la Chine et le Japon concerne l'accès au pétrole et aux réserves de gaz dans la partie orientale de la mer de Chine. D'autres exemples se produisent partout dans le monde. Les Chinois prennent pied aussi fortement au Pakistan, où des milliers de travailleurs chinois construisent un nouveau port au Balouchistan à Gwadar, qui siège juste à l'entrée du Golfe persique.
Israël devrait être très attentif aux développements entre les Etats-Unis et la Chine, et devrait être très prudent dans la poursuite des relations militaires avec la Chine parce que cela a un prix. Il y a beaucoup de choses qui peuvent se faire avec la Chine sur de nombreuses questions, mais qu'Israël poursuive des relations militaires au moment où des éléments très importants de l'establishment de la défense des USA sont extrêmement bellicistes à l'égard de la Chine est un jeu très dangereux.
La dépendance américaine au pétrole de l'étranger a doubléLes Américains commencent à comprendre que leur dépendance au pétrole de l'étranger a doublé dans les trente dernières années. En 1973, l'Amérique importait 30 % de son pétrole. Aujourd'hui, elle en importe plus de 60 % et cela va augmenter. Les Américains commencent à comprendre que la dépendance aux importations de pétrole est le talon d'Achille de l'Amérique et qu'il faut y répondre. Le pétrole n'est plus une question d'environnement. Il devient de plus en plus un problème de sécurité nationale.
En 1973, le Brésil importait 80 % de son combustible. Aujourd'hui les Brésiliens sont sur la voie de l'indépendance énergétique parce qu'ils ont développé un secteur agricole qui leur permet de produire le combustible de transport à partir de la canne à sucre. Le Brésil aujourd'hui ne ressent pas l'impact d'une crise pétrolière comme d'autres pays le font.
Beaucoup d'investissement va à la production de combustible de transport à partir du charbon. En Afrique du Sud, des avions qui volent en dehors de Johannesburg fonctionnement avec un combustible d'avion synthétique tiré du charbon, et pas du pétrole. Ainsi un pays ne doit pas subjuguer toute sa politique étrangère pour seulement satisfaire ses besoins en produits pétroliers. Les deux tiers de la consommation de pétrole aux USA le sont dans le secteur du transport. Avec un quart des réserves de charbon du monde, l'Amérique peut faire la même chose et s'engager sur une voie pour se sevrer de sa dépendance au pétrole. Cela a déjà été fait dans le secteur de l'électricité aux USA. - aujourd'hui, seulement 2 % de l'électricité des USA est générée à partir du pétrole.
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Le Dr. Gal Luft est Directeur exécutif de l'Institut d'Analyse de Sécurité Mondiale (IAGS en anglais) et coprésident de " Americ free Coalition ". Il est spécialiste en stratégie, géopolitique, terrorisme, Moyen-Orient et sécurité de l'énergie. Ce numéro du " Jerusalem Issue Brief " s'appuie sur sa présentation à l'Institut des Affaires contemporaines à Jérusalem le 17 août 05.
Dore Gold, Publisher; Yaakov Amidror, ICA Program Director; Mark Ami-El, Managing Editor. Jerusalem Center for Public Affairs (Registered Amuta), 13 Tel-Hai St., Jerusalem, Israel; Tel. 972-2-5619281, Fax. 972-2-5619112, Email:
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