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IUFM : L’Empire des Cancres |
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Rapport sur la correction d’un concours d’entrée à l’IUFM |
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Marc Sterling est
enseignant. Littéralement dégoûté par l’effondrement du niveau de l’enseignement
et des élèves, il nous adresse ses impressions à la suite de la correction d’un
concours d’entrée à l’IUFM. Il va de soi que l’auteur écrit sous pseudonyme, la
révélation de sa véritable identité lui vaudrait, à la différence des futurs
professeurs dont il parle, les foudres de sa hiérarchie.
Rapport sur la correction
d’un concours d’entrée à l’IUFM. Discipline : Histoire Géographie. Ce
rapport porte sur 71 copies examinées. Niveau exigé : Licence (Bac+3)
SUJET
A) Questions : Répondez de façon concise :
1) Les principales
caractéristiques du régime nazi.
2) Les enjeux de l’euro.
B) Etude de dossier :
la colonisation en débat dans la France de la fin du XIXème siècle.
Documents à utiliser :
1) extrait d’un discours
de Jules Ferry, et réponse de Clémenceau.
2) image de couverture
d’un cahier scolaire vers 1900 : « Les colonies françaises », avec
Marianne débarquant en armure, tenant un bouclier où sont inscrits les mots : civilisation,
progrès, commerce.
3) paragraphes :
éloge puis critique de la colonisation, respectivement par Galliéni et Jean
Jaurès.
Présentez les enjeux
scientifiques du sujet en analysant les documents. Proposez des pistes
d’utilisation dans une classe de cycle 3 (8 à 11 ans). Mettez en évidence les
objectifs transversaux (maîtrise de la langue, éducation civique) et les liens
possibles avec d’autres disciplines.
A la lecture du sujet, je
sursaute en découvrant le choix d’avoir associé régime nazi et colonisation
dans le même devoir. J’émets l’hypothèse qu’il y a une intention précise :
elle est confirmée par la correction type proposée concernant l’éducation
civique : « faire le lien avec les Droits de l’Homme, les crimes
contre l’humanité, le racisme », alors que le sujet précise bien qu’il s’agit
de la France de la fin du XIXème siècle. L’esclavage ayant été aboli en 1848,
on ne peut plus parler de crime contre l’humanité. Aucun candidat ne l’a remarqué.
Un seul est tombé explicitement dans le piège en exposant « les profits
tirés du commerce triangulaire »…
Tous, ou presque, se sont
contentés, en guise d’analyse des enjeux scientifiques, de diluer de longs
propos généraux sur le racisme, (mais aucun n’a parlé des pertes ni des évolutions
des cultures des colonisés) et d’évoquer brièvement les intérêts économiques de
la France. Très peu de candidats ont parlé du contexte historique de
compétition internationale, notamment avec l’Angleterre. L’ensemble des devoirs
paraphrase les documents. Un nombre significatif d’entre eux réussit à combler
une demie page, voire une page entière, en reformulant le sujet et la
description des documents…
Après la correction, je
maintiens qu’il ne fallait pas associer les deux questions dans un même devoir
de concours, car la médiocrité des candidats, tant au niveau des connaissances
que de la méthodologie, ne le permet pas : comment s’exprimer sur ce que
l’on ignore, comment l’enseigner, quand de surcroît on maîtrise mal la langue
française ? Etait-il légitime, déontologiquement, de proposer, en pleine
période d’élection présidentielle, un sujet dont l’actualité brûlante venait à
peine de refroidir ? (Polémique sur « les effets positifs de la
colonisation »). Ceci est confirmé par le constat que l’ensemble des jurys
a effectué avec consternation :
Aucun recul chez les
candidats, aucun positionnement d’enseignant, aucune aptitude à l’analyse
contradictoire, aucune aptitude à enseigner dans un esprit de faire accéder les
élèves à la connaissance. Tous, sauf deux ou trois, défendent leur point de vue
personnel de citoyen : bien entendu, comme on pouvait le redouter, c’est
pour ou contre la colonisation, comme si celle-ci était un projet ! Ainsi,
un candidat dit : « Faut-il ou non être pro-colonialiste? ».
D'une part, il trahit par là son ignorance, la question du débat n'étant pas
celle-ci, mais celle de la nécessité (ou non) d'une reconnaissance officielle
par la République Française de la contradiction qui a existé entre ses paroles
(Droits de L'Homme) et ses actes (le colonialisme). D'autre part, dans le sujet,
il ne s'agit pas de ce débat, qui commence aujourd'hui avec le 21ème siècle,
mais de la « colonisation en débat à la fin du 19ème siècle ».
Un autre dit : « On
voit donc que le nazisme existait bien avant Hitler », et encore un autre,
après avoir précisé que « la colonisation a été subite (pour subie) »…
dit : « elle fait néanmoins partie de l’Histoire de France ». A
l’opposé un candidat dit : « Le but de la leçon sera de faire
comprendre aux élèves que la colonisation a apporté la civilisation, le progrès
technique, la culture... » ! Il développe son propos mais s’en tient à
ce seul point de vue !!! Un autre, dans les liens avec les autres disciplines,
propose en arts visuels de « faire étudier les différents
faciès » !!!
On voit donc que la
médiocrité des candidats, associée à une orientation intrinsèque donnée par la
composition du sujet, produit exactement l’effet inverse de celui
escompté : on peut renvoyer dos à dos les pour et les contre, les uns
comme les autres étant prêts à embrigader leurs élèves, pour les derniers
d'entre eux à la manière de ceux qu’ils dénoncent, au lieu de les instruire de
l’Histoire de la colonisation, de celle du nazisme, de celle des Droits de
l’Homme, et de toute l’Histoire en général, afin qu’ils puissent y réfléchir et
en débattre, au collège ou au lycée, un tel débat n’étant pas à la portée
d’élèves de primaire : certes, le sujet précise qu’il s’agit du débat dans
la France du XIXème siècle, mais proposer le sujet revient à en faire débattre
les élèves.
Je reconnais que la
correction proposée attendait des candidats qu’ils jugent les documents trop
difficiles pour ces élèves, mais pas qu’ils jugent le débat prématuré : ainsi,
si quelques candidats ont bien repéré le niveau inadapté des documents, seuls
deux ou trois ont mis en cause implicitement le second aspect en précisant bien
que des « connaissances préalables sont requises avant de mettre en place
cette séance », sans en dire davantage. Un seul a proposé une évaluation
finale portant sur des connaissances qu’il détaille.
Je remarque qu’en
éducation civique, aucun n’a proposé le traitement opérationnel du racisme dans
la classe, dans l’école, pourtant induit par les questions du sujet (nazisme, colonisation)
le mot débat renforçant l'incitation à le faire. On sait que même là où il n’y
a pas d’élèves d’origine étrangère, celui-ci est constaté dans les propos, les allusions,
les conduites, les réactions… Ceci correspond au constat fait dans les écoles,
pointé dans le dernier rapport sur les ZEP : pour avoir la paix scolaire, on
baisse l'exigence et on reste dans ce qui est virtuel dans les représentations
des élèves : après avoir rempli des fiches photocopiées sur le racisme ou l'hygiène
alimentaire, on sort en récréation pour manger des sucreries sous l'œil des
professeurs qui parfois en font autant, ou on lance « bamboula » à un
camarade métissé : dans ce cas on s'indigne d'être puni, quand on ne lance pas
des menaces, montrant par là que les « apprentissages » sont perçus
comme des produits proposés au choix des élèves et de leurs parents consommateurs,
et non comme des connaissances modifiant les personnes en les élevant.
Cet aspect de la question
semble relever de la compétence d'un professeur expérimenté, mais je ne le
crois pas : il tombe sous le sens que la première démarche éducative consiste à
dire aux élèves : et toi ? Que fais-tu ? Comment fais-tu ? Et à exiger qu'ils
mettent leurs actes en accord avec leurs paroles, comme le font un bon père ou
une bonne mère avec leurs enfants.
Le concours doit-il être
précédé d'un examen ? La médiocrité des candidats, tant au niveau des
connaissances que de la méthodologie, pose le problème de l'accès au concours. Comment
s’exprimer sur ce que l’on ignore ? Comment l’enseigner ? Comment accepter
que la loterie des affectations conduise à la non-instruction de classes entières,
voire pire : à leur embrigadement ?
Une correctrice,
professeur de collège, excédée, déclare : « Mais enfin, même à « Questions
pour un champion » (jeu télévisé très populaire) il y a une pré-sélection
! Il faut l’obtenir, nous ne pouvons pas continuer ainsi !». Ainsi, si des
compétences pédagogiques échappent aux candidats, on peut penser que l'année de
formation (dite PE2) y remédiera peut-être. Par contre, on ne doit pas laisser
se présenter au concours les candidats ne maîtrisant pas parfaitement
l'orthographe, s'exprimant à l'écrit avec difficulté, ou manifestant des
lacunes sidérantes en culture générale : en 2006, par exemple, nous avions
trouvé « Sous l'Ancien régime, le président avait le droit de veto ».
Il faut de plus laisser au jury le droit d'éliminer après correction des
candidats tenant des propos déclarés « alarmants » par l’ IA-IPR
(inspecteur d’académie, inspecteur pédagogique régional) d'Histoire-Géographie
et président du jury, parlant de propos et de pensées racistes : « Il
ne faut pas continuer à admettre des choses inadmissibles. Nous trouvons des
choses alarmantes dans les copies. Nous ne pouvons pas cautionner indéfiniment
le n'importe quoi, il faut mettre un coup d’arrêt. Malheureusement, le jury de
Sciences a des moyennes de notes aussi faibles que les vôtres (entre 7 et 8/20).
La tendance est donc générale, avec une nouveauté apparue l'an dernier et qui
se confirme : celle des candidats qui choisissent délibérément de ne pas
répondre à certaines questions. ». Ceci correspond à la conception
marchande de l’éducation, comme dit plus haut. L'élève est consommateur et
stratège : il choisit dans les rayons mais ne s'expose pas au feu de la connaissance.
Constats sur le niveau en
français des candidats : Les devoirs, souvent mal écrits et raturés,
comportant des fautes d’orthographe révélant une maîtrise insuffisante de
celle-ci pour un futur maître sont au nombre de 19, soit 28%. Aucun barème
éliminatoire n'est prévu pour ces candidats à la fonction de professeur des
écoles, ce qui explique que l'on trouve, depuis quelques années, des fautes
dans certains écrits adressés aux parents d'élèves par les maîtres. Outre que
cet état de fait dévalorise le maître, ruine son autorité, jette la suspicion
sur sa compétence, que dire des conséquences pour les élèves ? La langue est
l'essence d'un pays, d'une culture et sa maîtrise par le plus grand nombre est
un garant de la démocratie : la moindre des choses est d'assurer son
enseignement rigoureux partout, sans exception, à égalité de traitement, donc
de chances pour les élèves. Les devoirs comportant des fautes de syntaxe, un
nombre inquiétant de mots proches confondus (conséquence de la méthode globale
ou à départ global d'apprentissage de la lecture), des mots qui n’existent pas
en français, et/ou une expression pauvre, voire lapidaire, représentent plus de
la moitié des copies. Les devoirs ne comportant aucun plan, exposant des propos
sans lien, embrouillés, difficiles à lire, répétant souvent la même chose représentent
les 3/4 des copies.
Le jeune professeur
d’Histoire qui travaillait en binôme avec moi s’est souvent indigné en se
demandant comment ces candidats avaient pu obtenir une licence. Le deuxième
jour, il est sorti pour plusieurs pauses, n’arrivant littéralement plus à se concentrer
sur la lecture de copies aussi mauvaises, et me
demandant : « Comment faites-vous pour résister à cela ?
C’est à vomir, et c’est ce que je viens de faire… »
Exemples relevés de mots
qui n’existent pas : la colonialisation, univerlisaliser (il parle de la
Déclaration des Droits de l'Homme), les nazistes (relevé de nombreuses fois), le
nazizisme, l'éliminatimation (des juifs)
Approximations et
confusions : à propos de la colonisation : « on pourrait passer des vidéos
sur les débats de l'époque « (fin 19è), « le texte iconographique »,
le court (pour le cours) de l'euro, « L'Europe commence avec la communauté
du charbon et du pétrole. » la dominance (pour la domination), l'expandre
(pour expansion), « En géométrie, on pourra localiser les colonies sur le
globe. », les Prusses (pour les Prussiens), un Indien (pour un Hindou), l'armistice
du 8 Mai. (pour capitulation), Mussolini est associé au nazisme, lla race
arienne, aeryenne, Hayrienne, « Hitler prend le pouvoir à 33 ans. »(pour
1933), « le régime allemand » (pour le régime de l'Allemagne nazie), « Le
régime nazi est autoritaire, voire totalitaire », « Le régime nazi a
existé durant la seconde guerre mondiale.» (relevé dans de nombreuses copies), Auswitch,
Aushwitz, AuxEwitr, La milice (pour la Gestapo ou les SS), « Les camps de
travail (pour concentration) ont été créés pour compenser les pertes militaires
de l'Allemagne », « Les camps de concentration pour les Juifs se
transforment souvent en camps de travail », « Les travailleurs (sic),
dans les camps de concentration, vont mourir en faisant ce qu'on a appelé les
marches de la mort. », « Les Juifs sont tués dans des camps de
concentration » (relevé dans de nombreuses copies) « par gazage ou
(pour puis) dans les fours crématoires », « C'est en 1944 qu'il y a
le plus de tués avec la rafle du Vel d'Hiv » (Elle a lieu en 1942 et les
gens ne sont pas tués mais parqués en vue d'être exterminés dans des camps
d'extermination et non pas de concentration, ni de travail), « Hitler
déclare la guerre à la France en 1940 » (C'est l'inverse, le 2/9/1939), « le
dédunt (pour dédain) envers les Juifs » (s'il ne s'agissait que de cela !...),
« Hitler a été jugé à Gütenberg » (pour Nuremberg), « Heureusement
certaines personnes ont aidé les Juifs, c'est pourquoi aujourd'hui, l'Irak
(pour Israël) leur donne le titre de Bons parmi les nations » (pour Justes
parmi les Nations ).
Le constat le plus
alarmant est l'ignorance concernant le nazisme. Très peu de candidats ont
compris la spécificité de l'extermination des Juifs et des Tziganes. Les
confusions sur les camps (de travail, de concentration, d'extermination) sont
relevées dans la majorité des copies. Ce sujet a pourtant fait l'objet d'une
médiatisation continue sans précédent depuis deux ans, ponctuée par des temps forts
comme le soixantième anniversaire de la libération d'Auschwitz en 2005, puis
l'entrée des Justes au Panthéon, en 2007. On peut donc en déduire que les
candidats ne se cultivent pas, ce qui constitue, pour de futurs professeurs, un
défaut bien plus inexcusable qu'un manque de connaissances ciblé sur une
période.
Hélas, il ne s'agit pas
que de cela. Comment ne pas s'alarmer lorsqu'on lit, par exemple: « Hitler
s'est aussi occupé des homosexuels qui ne pouvaient pourtant pas procréer de
façon impure ». Cette phrase est relevée dans une description ambiguë et
peu critique des justifications de la logique de développement de la race
aryenne, sans aucune remise en cause, même implicite, du postulat de départ. Cette
phrase peut laisser craindre une banalisation du nazisme ramené au rang d'une
opinion parmi d'autres, le candidat se contentant de relever ce qu'il croit
être des incohérences du régime. Un nombre significatif de copies laissent
ainsi, à la lecture, un sentiment de grave malaise, pour nous les correcteurs
qui nous demandons en conscience s'il faut laisser ces personnes entrer dans
une école de la République, sans se donner d'autres moyens de vérifier si elles
ont ou non, réellement, des opinions nazies et/ou la conviction que le nazisme
est une opinion.
Il en va de même pour le
candidat qui a écrit : «la polyphonie (pour la francophonie) n'a plus besoin de passer par le colonialisme ». La lecture de
la suite donne le sentiment que le candidat ne s'en offusquerait pas dans le
cas contraire. Ceci caractérise la génération au matérialisme forcené, qui n'a
plus bénéficié des leçons de morale, qui a été élevée dans une conception
marchande de l'existence et à laquelle nous n'avons pas transmis les valeurs
essentielles de l'humanité.
Autres exemples : la
sinagogue, Wamsee (avec un m à 4 jambages), la Ghestapo, les getthos, les
gettos, hithlérien, le furer, le fureur (!), ait (pour est), er pour é au
participe passé, C'est ceux (pour ce) qui caractérise le régime. Fautes
d'accord du participe passé, etc... « Il remilitarise la Rhénanie alors
que le traité de Versailles l'en interdit. », « Il faut faire les
élèves décrire l'image », « dans des camps où des millions de Juifs y
meurent ». Conclusion : il ne s'agit que d'exemples relevés par deux
correcteurs sur une trentaine, les autres binômes effectuant massivement le
même constat.
J'ai parlé du manque de
transmission des connaissances, à l'intérieur d'un cours. Je ne citerai qu'un
exemple de dérive pédagogique de programmation de cours : Deux collègues de
secondaire font le tour de la salle pour tenter de trouver une explication à la
proposition sidérante d'un candidat : « En lien avec les autres matières,
à partir de l'image du cahier d'écolier 1900, on peut proposer en techno la
séance dite «Flotte ou coule» ». Je leur indique qu'à la vue du navire à
l'arrière-plan de l'image on a cherché un « lien » tiré par les
cheveux (entre la séance d’Histoire et celle de sciences), dérive
caractéristique de la pédagogie dite du projet. Pour eux c'est une révélation consternante.
Que d'énergie gaspillée
dans ce genre de mission impossible : les liens ne sont pas garantis par l'organisation
pédagogique mais se construisent dans la tête des élèves à condition de les
instruire. On observe d'ailleurs que ceux-ci n'en font que très peu, parce
qu'on attend qu'ils redécouvrent tout par eux-mêmes. Or, les liens se
construisent dans le langage, à l’oral, dans les discussions (et non dans des
débats) avec les élèves. Certes, c'est à la condition qu'on les y invite et les
y encourage, mais surtout à condition qu'ils aient acquis des
connaissances : ressassons encore une fois qu’ils ne peuvent pas réfléchir
sur ce qu’ils ignorent. Revenons donc aux enseignements disciplinaires
rigoureusement programmés Admettons de nouveau que le maître est supérieur à l’élève,
non en tant que personne, mais en tant que transmetteur de savoir.
Je remarque enfin que les candidats,
à l'issue de leur année de préparation à l'IUFM, ont surtout intégré rapidement
toutes les dérives pédagogiques initiées ces 30 dernières années, dont nous
combattons quotidiennement les effets. Face à ces constats, allons-nous enfin
admettre qu'il ne faut pas maintenir ce qui ne marche pas ? Ces jeunes
candidats sont-ils des citoyens plus libres que nous, leurs aînés qui avons
connu la fin de l'époque glorieuse et sévère de l'école républicaine ? Sont-ils
plus critiques, plus réactifs, plus humanistes, plus cultivés que nous ? Non. Et,
de plus, l'ignorance de certains les révèle comme étant dangereux.
Je n'oublie pas que, aîné
d’une famille nombreuse d'un milieu très modeste, je dois, ainsi que mes frères
et sœurs, ma promotion sociale à l'école publique, à la discipline, à
l'exigence et au travail rigoureux, aux résultats obtenus sans argent, sans
moyens matériels, à la chance donnée par les bourses au mérite, au zéro en
orthographe éliminatoire etc... et tant pis si j'ai injustement été puni en
conseil de discipline : je n'en suis pas mort, chose qui me serait arrivée
(socialement) si j'avais été dans un environnement laxiste comme celui
d’aujourd'hui.
Depuis 35 ans, j'essaie de
rendre ce qui m'a été donné. En dépit de toutes les circulaires, j'ai toujours
instruit mes élèves et je leur ai appris à lire à tous sans exception,
précisément parce que la culture se donne et se prend à l'école (et pas au
centre social ou à la MJC du quartier), parce qu'elle est l'arme absolue de la
liberté individuelle et de la démocratie : le savoir donne le pouvoir.
La chance, c'est
d'apprendre : imposons-la à tous les élèves.
© Marc Sterling pour
LibertyVox
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